Dominique, 58 ans
Dominique, 58 ans, chargée de programme en environnement
Mon profil et mon histoire rejoignent sans doute la plupart des vécus de personnes victimes de burnout. Ceci s’est déroulé il y a 4 ans et je considère m’en être bien sortie, ce qui me permet aujourd’hui d’analyser la situation avec du recul et de pouvoir en parler sans émotion. Très investie dans mon travail qui me « nourrissait » intellectuellement, je ne mettais plus de limites : horaires démesurés, repas pris en vitesse devant l’ordinateur, pas de pauses, apport de dossiers à la maison pour y passer des soirées, des week-ends, des jours de congés…
Des signes extérieurs et des symptômes de plus en plus fréquents auraient dû m’alerter et me faire ralentir, mais… devenue un automate, je ne cessais de vouloir reporter mes périodes de pause. Aux remarques de mon conjoint je répondais « non mais là, je n’ai pas le choix », « c’est juste un truc urgent et après je me pose » … sauf qu’après ce « truc urgent » en venait un autre, puis deux, puis trois, et c’était une course sans fin. Maux de tête fréquents (j’ai appris par la suite qu’ils étaient dus à une tension artérielle très élevée), nervosité, sommeil très perturbé et réveils nocturnes avec palpitations… tout ceci aurait dû me faire réagir avant le trop-plein.
Je constate plusieurs points qui m’ont poussée à continuer malgré tout :
- Un côté éducatif où j’avais appris que lorsqu’on s’engageait dans une action, on se devait d’être fiable et de la mener à terme (coûte que coûte ?)
- Etant bientôt en fin de carrière, et travaillant de fait avec des collègues de plus en plus jeunes, il me fallait « être à la hauteur » et ne pas décrocher
- Travaillant dans l’environnement, je souhaitais mener à bien cette mission noble et ô combien utile actuellement !
Une fois mise en arrêt imposé par la médecine du travail – arrêt que je refusais avec véhémence, car n’ayant pas le temps de m’arrêter ! – j’ai eu une réaction de colère contre moi -même (pourquoi est-ce que je n’y arrive pas alors que mes collègues s’en sortent ?), suivie par une plongée brutale dans un vide gigantesque, avant de remonter doucement la pente (3 mois d’arrêt complet suivis de 3 mois de mi-temps thérapeutique).
Plusieurs éléments m’ont été délivrés lors d’échanges avec des professionnels, des conseils qui m’ont bien rendu service par la suite et que je souhaiterais partager :
- « Vous avez le droit de dire NON à votre supérieur hiérarchique » … ah bon ? pour moi, ça n’était pas une évidence !
- Ne pas se sentir perturbé si on dépasse les délais de rendus, et toujours se poser la question « et alors ? » : Je ne fais pas ça dans les temps… et alors ? Quelles seront les conséquences ? Je ne peux pas respecter mon programme prévisionnel, celui-ci étant trop chargé… et alors ? On se rend compte que finalement les effets sont souvent beaucoup moins impactants pour le projet que ce qu’on imaginait… on se fait des films !
- Connaître son espace vital : un jeu de rôles m’a été proposé par un psychologue – qui jouait le rôle de mon supérieur hiérarchique – pour définir l’espace dans lequel je suis suffisamment à l’aise pour voir venir les choses, prendre le temps de réfléchir à la réponse que je vais donner à cette demande, sans répondre OUI du tac au tac. Il me donne une ficelle que je dois placer autour de moi en estimant la taille de mon espace vital. Première tentative : ficelle posée au sol à 1 m de moi, je me sens agressée lorsqu’il vient rapidement vers moi pour me remettre un dossier en me demandant de le traiter en urgence… échec ! Deuxième tentative : je place la ficelle en hauteur et à 4 m de moi. J’ai alors du recul vis-à-vis de sa demande, je prends le temps de lui répondre en évaluant les conséquences de cette sollicitation supplémentaire sur ma charge de travail. Ces 4 m correspondant à peu près à la longueur de mon bureau, mon ordinateur étant d’un côté et la porte de l’autre. Le psychologue me conseille de fermer ma porte quand je travaille, en demandant avec bienveillance à mes collègues de ne passer me voir que de telle heure à telle heure car j’ai besoin de me concentrer sur un projet. D’un lieu où l’on entrait comme dans un moulin pour des raisons diverses et variées, mon bureau est devenu un espace calme où je peux travailler efficacement
- Ne surtout pas reprendre les mêmes tâches au même rythme qu’auparavant lorsqu’on revient à son poste après son arrêt de travail. Oser imposer ses propres choix : « je souhaite ceci et pas cela », « je demande que… »… et miracle, on m’a plus respectée après avoir posé mes limites que lorsque je disais OUI pour tout et à tout le monde, sans doute parce que je me respectais moi-même
Voilà donc les quelques enseignements que j’en ai tirés, et qui me sont utiles non seulement dans la vie professionnelle mais aussi au quotidien. J’ai repris mon travail en respectant des horaires décents, en refusant les sollicitations qui auraient un impact sur mon nouveau rythme, et tout s’est bien passé.
Aujourd’hui JE M’ECOUTE !